Au Liban, pays en plein effondrement économique, où la monnaie a perdu plus de 90 % de sa valeur, le « parti bancaire » ne reculera devant rien pour préserver ses secrets and techniques. Et les tactiques les plus grossières sont utilisées pour empêcher la justice de mettre son nez dans les affaires de la nomenklatura politico-financière, responsable de la faillite de l’État. La scène, digne d’un mauvais thriller, qui s’est déroulée dans la matinée du mardi 11 janvier, au siège de l’une des plus grandes banques du pays, à Beyrouth, en donne un exemple.
Jean Tannous, substitut du procureur près la Cour de cassation, qui enquête sur Riad Salamé, le patron de la Banque du Liban (BDL), soupçonné de blanchiment et de détournement de fonds, espérait ce jour-là frapper un grand coup. Six établissements financiers devaient être simultanément perquisitionnés par la police judiciaire.
Cette opération consistait à récupérer des extraits de comptes de Raja Salamé, le frère du grand trésorier libanais, patron d’une société appelée Forry. Une procédure menée en réponse à une demande d’entraide de la justice suisse, qui soupçonne cette obscure société de courtage, disposant d’un compte en Suisse, d’avoir servi de paravent au détournement d’au moins 200 hundreds of thousands de {dollars} de la BDL .
entrave à la justice
Durant l’automne 2021, Jean Tannous s’est battu contre ces banques qui, au nom du secret bancaire, pilier intouchable du Liban moderne, lui ont refusé l’accès aux comptes de Raja Salamé. L’un de ces établissements a saisi la hiérarchie du magistrat pour obtenir son exclusion, au motif qu’il aurait outrepassé ses prérogatives. La Cour de cassation rejette cette demande, permettant à Jean Tannous de repartir à l’offensive.
Mais mardi, à peine avait-il mis les pieds dans l’une des six banques, que le procureur adjoint a reçu un appel de son supérieur, le procureur général, lui ordonnant d’annuler les perquisitions. Le magistrat est donc reparti bredouille. Selon des médias libanais, le procureur général est intervenu à la demande de l’actuel chef du gouvernement, Najib Mikati, un milliardaire actionnaire d’une banque libanaise.
Accusé d’entrave à la justice, l’intéressé a défendu son motion au nom de « la nécessité de ne pas saper ce qui reste des piliers économiques et financiers du pays ». « Même quand Israël a envahi Beyrouth, [les soldats] n’étaient pas entrés dans les establishments avec des armes de cette manière », a-t-il ajouté, en référence à l’attaque du pays du Cèdre par l’Etat hébreu, en 1982. Pas sûr que ce parallèle soit du goût des déposants libanais, dont l’épargne ne vaut plus rien.