Après 13 ans d’absence sur le territoire sénégalais, Tiken Jah Fakoly signe son retour à Dakar. Le reggae-man sera en concert aujourd’hui, au Monument de la Renaissance. C’est pour célébrer la 2e édition du « Dakar reggae », un festival qui a débuté le 6 janvier 2022 avec une variété d’artistes. Le thème choisi : « L’environnement : Dakar ville verte, Dakar ville propre. « Devant la presse, il a abordé des sujets brûlants de l’actualité.
De retour au Sénégal après 13 ans qu’est-ce que ça te fait ?
Je suis content d’être là et j’ai pudiquement beaucoup de fans au Sénégal. Ce qui me lie au Sénégal, c’est l’amour du pays. Je suis un panafricain convaincu, je considère aussi que le Sénégal est aussi mon pays. Je suis sénégalais, je suis ivoirien, burkinabé, malien : je suis africain.
Après une pause de 2 ans due à la pandémie de coronavirus, comment comptez-vous marquer votre retour sur la scène musicale ?
En effet, cela fait deux ans. La pandémie a commencé en 2019 alors que je venais de sortir un album intitulé « The World is Hot ». Nous avions commencé sa promotion. On a fait 46 concerts en Afrique et en Europe, puis la pandémie est arrivée. Nous sommes arrêtés. C’est vrai que la maladie est toujours là, mais il faut recommencer. Le public veut voir ses artistes. Mon retour est marqué aujourd’hui par un nouvel album intitulé : « Gouvernement 20 ans ». Il y aura aussi des concerts. Vous ne devez pas franchir les barreaux. Nous devons continuer à vivre avec le virus.
« L’Afrique est divisée »
Laurent Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire il y a quelques mois. Comment l’évaluez-vous ?
Je crois que c’est une bonne chose. Chaque fois qu’il y a apaisement, nous sommes heureux. Nous ne pouvons que saluer son retour. Il a également été accueilli par l’actuel président de la République. Et, devant tout le monde, ils ont respectivement déclaré qu’ils étaient frères. Je souhaite à nos autres frères qui vivent à l’extérieur de revenir. Je veux que tous les enfants de Côte d’Ivoire se rassemblent.
Votre souhait est que les fils d’Afrique se réunissent autour de l’essentiel. Pensez-vous qu’il soit possible d’avoir des États-Unis d’Afrique ?
Je ne pense pas qu’un pays africain puisse gagner seul. C’est ensemble que nous gagnerons tous les combats, qu’ils soient politiques ou économiques. Ce n’est pas normal que l’Afrique soit dans cette situation. C’est-à-dire un continent très riche avec une population très pauvre. C’est un paradoxe. Nous sommes dans cette situation parce que nous sommes divisés. Cette union est donc essentielle. Je chante cette union des états africains depuis très longtemps. Je garde espoir. Je suis très optimiste, même si je sais qu’il sera difficile pour notre génération de sortir l’Afrique de cette situation. Mais, nous avançons lentement. Si vous regardez l’histoire des USA ou celle de France, les choses ne sont pas venues d’un coup. Cela a pris beaucoup de temps et les gens étaient au combat. Donc il ne faut pas baisser les bras. Nous avons toutes les ressources nécessaires pour nous développer. Rien que le soleil et les plages sont les richesses du continent. Nous devons réaliser la création des États-Unis d’Afrique, sinon, nous ne serons rien du tout. Les gens continueront de piller nos ressources, de nous manipuler, de nous diviser.
« Il y a des mouvements militants qui ont des millions de dollars sur leurs comptes »
On sent votre panafricanisme dans vos propos. Est-il facile d’être militant en Afrique ?
Ce n’est pas facile d’être militant en Afrique parce que les gens veulent que les militants partent au combat sans moyens ni rien. Cependant, les militants ont des familles et des enfants. Ce n’est pas évident. Il y a des mouvements militants qui ont des millions de dollars sur leurs comptes. C’est parce que les gens contribuent pour que ces gens qui sont en première ligne gardent leur liberté. Malheureusement en Afrique, c’est d’autant plus compliqué qu’il n’y a aucun mouvement pour les soutenir. Et nous savons tous qu’un soldat affamé ne peut pas se battre. Cependant, nous avons des mouvements très courageux en Afrique, comme « Y en a marre » du Sénégal, le mouvement « Filimbi » du Congo, le « Ballet citoyen », etc.
Le président de la République du Sénégal dirigera l’Union africaine en février. Qu’attendez-vous de lui ?
Qu’il fasse en sorte que les Africains se rassemblent et encouragent aussi l’intégration. Quand le Mali a mal à la tête, que le Sénégal se sente concerné, que l’Éthiopie se sente concernée. C’est la solution. Car, sans les matières premières de l’Afrique, le monde cessera de fonctionner. J’espère que nous veillerons à ce que les peuples africains se sentent concernés par l’Union africaine. J’espère que le Président Macky Sall, durant son mandat, s’attachera à approfondir cette relation entre les peuples africains.
« Les artistes doivent s’engager dans le débat sur le troisième mandat »
Le réchauffement climatique est devenu une préoccupation majeure pour les Africains. Quelle doit être la participation des artistes pour sensibiliser les citoyens du monde ?
L’album « Il fait chaud » portait sur ce sujet très important. Nous ne faisons pas attention, mais la planète nous parle toujours. Elle est perturbée par notre comportement. Je pense que la lutte contre le réchauffement climatique est l’affaire de tous. Les artistes doivent continuer à sensibiliser pour que les gens soient au courant. Si nous ne faisons pas attention, la planète tournera. Nos gouvernants devront également prendre des décrets pour interdire les sacs en plastique qui polluent l’environnement.
Quelle est votre position sur le syndrome du 3ème terme, devenu facteur de violence et d’instabilité politique en Afrique ?
Le troisième mandat est devenu un problème en Afrique. Il est à l’origine de plusieurs conflits meurtriers. Les artistes engagés et les mouvements de la société civile doivent se réunir pour rencontrer l’actuel président de la CEDEAO. Ceci, pour lui demander de mettre dans la charte que les mandats de tous les chefs d’Etat africains sont limités à deux. Et aussi de dire à l’UA que les jeunes d’aujourd’hui sont hostiles à la question du troisième mandat car elle fait des morts.
Un mot pour le Can qui ouvre ce dimanche ?
Je souhaite bonne chance à toutes les équipes africaines, que les meilleurs gagnent et que le niveau du football africain soit à nouveau élevé à travers cette Coupe d’Afrique. Parce que nous avons des joueurs qui font notre fierté comme Sadio Mané. Ils sont nos ambassadeurs, notre fierté.
Propos recueillis par Adama Aïdara KANTE
Photos : Abdoulaye SYLLA
9 janvier 2022