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Au juge qui l’a interrogé sur sa volonté de « Changer de régime », il a rétorqué que« Dans une démocratie, le combat politique se déroule dans l’espace public et c’est le peuple qui décide ». « Je suis le coordinateur d’un parti politique, il ajouta. Cette qualité, je la garde même dans ma cellule. «
Jugé le 26 décembre 2021, Fethi Ghares, membre du Mouvement démocratique et social (MDS), formation laïque de gauche qui s’était engagé en 2019 dans les manifestations anti-régime du Hirak, a été condamné à deux ans de prison, dimanche 9 janvier. Ce verdict contre le chef d’un parti légal approuvé par les autorités marque une nouvelle escalade de la répression en Algérie, inquiètent opposants et avocats.
Le porte-parole du MDS a été arrêté le 30 juin. Placé en détention, il a été poursuivi pour « atteinte à la personne du président de la République », « outrage à corps », « diffusion au public de publications pouvant nuire à l’intérêt national », « diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’unité nationale » et « diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’ordre public ». Des accusations fondées sur les publications de M. Gheras sur le réseau social Facebook et des échanges privés extraits de son téléphone. trois ans de prison, sans prendre la peine de plaider.
Le « sultan » et le « pyromane »
« Fethi Ghares a contredit le sultan », a noté l’un de ses défenseurs lors de l’audience du 26 décembre, rappelant le soutien de l’opposant à un journaliste que le président Abdelmadjid Tebboune avait qualifié publiquement de « Incendiaire ». Détenu pendant six mois, Rabah Karèche, du quotidien Liberté, avait été inculpé après avoir couvert un mouvement de protestation dans le sud de l’Algérie.
« En ciblant Fethi Ghares, le gouvernement cherche également à interdire toute possibilité d’articuler luttes politiques et sociales », estime Yacine Teguia, membre de la direction du MDS. « Il n’est pas le seul. D’autres militants ont été lourdement condamnés, je pense notamment au président de l’association SOS Bab el-Oued, Nacer Meghnine », ajoute-t-il, évoquant le sort réservé à l’animateur d’une organisation culturelle créée dans les années 1990 et très active dans ce quartier populaire de l’ouest d’Alger : en septembre, Nacer Meghnine a été condamné à huit mois de prison pour, entre autres chefs d’accusation, sa « participation à des crimes portant atteinte à l’intérêt national et à l’unité nationale ».
« Le MDS subit la répression depuis des années. Le comportement du pouvoir actuel est dans la droite ligne de l’époque d’Abdelaziz Bouteflika, quand les arrestations et les poursuites judiciaires nous visaient étaient nombreuses et que les militants de notre mouvement connaissaient la prison, rappelle M. Teguia. Ces persécutions judiciaires se manifestaient déjà par l’interdiction de nos activités politiques. La situation actuelle révèle un nouveau calcul de puissance : la volonté d’attaquer l’un des courants issus du Hirak. «
Partis menacés de dissolution
D’autres partis d’opposition sont ainsi menacés par les autorités. Ils partagent avec le MDS le soutien aux prisonniers d’opinion et leur appartenance au Pacte pour l’alternance démocratique (PAD), regroupement d’organisations du camp démocrate qui a été créé en juin 2019 avec l’ambition de construire une alternative politique. . « Fethi Ghares y joue un rôle de premier plan. Aujourd’hui, c’est le regroupement des forces progressistes qui est visé », poursuit M. Teguia.
Dans le collimateur des autorités notamment, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), mis en demeure par le ministère de l’Intérieur de ne pas ouvrir ses locaux au mouvement associatif. Le RCD est l’un des premiers partis d’opposition créés au lendemain de l’ouverture politique qui a suivi les émeutes d’octobre 1988. Il risque la dissolution, tout comme l’Union pour le changement et le progrès (UCP) et le Parti socialiste ouvrier (PST), également membres du PAD.
Plus de 200 personnes sont actuellement derrière les barreaux en Algérie pour des faits liés au Hirak, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD).