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En mars 2011, quelques mois après la révolution tunisienne, une femme en gown d’avocat se tenait debout à la barre du tribunal de Tunis. Abir Moussi, alors secrétaire générale adjointe chargée des femmes au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l’ex-autocrate Zine El-Abidine Ben Ali, plaide pour la non-dissolution de cette pressure politique. Un positionnement à contre-courant d’une majorité de la inhabitants, avide de changement et pour qui le RCD incarne les années de dictature. Hué par ses collègues, Abir Moussi doit quitter la salle sous escorte policière. Le parti est dissous par la justice.
Dix ans plus tard, la haine de l’ancien régime est moins forte dans une Tunisie gagnée par la désillusion révolutionnaire et la crise économique. Et la stratégie médiatique comme le franc-parler d’Abir Moussi ont fait de lui l’un des principaux opposants au président Kaïs Saïed. L’avocate, entre-temps, est devenue députée : aux législatives de 2019, le Parti Destourien Libre (PDL), qu’elle préside, une formation anti-islamiste réunissant des sympathisants de l’ancien RCD mais aussi des nostalgiques du père de l’indépendance , Habib Bourguiba, a remporté 17 sièges sur 217.
A 46 ans, elle reste fidèle à son credo : « Je n’ai jamais rendu ma veste, contrairement à d’autres partis. » Et maintenant, c’est Kaïs Saïed qu’elle attaque, l’accusant de vouloir « S’emparer du pouvoir absolu » depuis le régime d’urgence instauré fin juillet, lorsque le chef de l’État a suspendu les travaux de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cinq mois plus tard, la Tunisie reste régie par des décrets et le gel parlementaire a été prolongé jusqu’aux élections législatives fixées à décembre 2022. L’échéance est loin, mais, pour l’prompt, Abir Moussi est en tête des sondages, son parti recueillant plus de 36% des intentions de vote.
Sa stratégie : occuper le terrain
Son discours résolument hostile à l’islam politique et son éloquence séduisent de plus en plus de Tunisiens. Il trouve ses premiers soutiens parmi les nostalgiques du RCD et les détracteurs du parti islamo-conservateur Ennahda, qui reprochent à ce groupe d’avoir dominé le paysage politique au cours de la dernière décennie pour l’échec de la transition économique du pays.
Depuis plusieurs mois, le député interpelle également les indécis. Ils sont nombreux en Tunisie, oscillant entre le soutien à Kaïs Saïed et la crainte d’une dérive autocratique. En juillet, le geste d’autorité du président face au déclin des partis politiques avait été salué par des scènes de liesse populaire, mais la prolongation de l’état d’urgence et l’aggravation de la crise économique ont commencé à alimenter les inquiétudes.
Abir Moussi est aux antipodes de la determine solennelle et énigmatique de Kaïs Saïed. Chaque jour, elle s’adresse à ses supporters à travers des vidéos diffusées en direct sur sa web page Fb. Elle y décrit le soulèvement populaire de 2011 comme une manipulation étrangère visant à « Mettre les Frères musulmans au pouvoir », en référence à Ennahda. « Aujourd’hui, les Tunisiens ne veulent plus du cliché de la révolution, ils attendent des choses concrètes, comme l’amélioration du pouvoir d’achat », martèle la politicienne dans son bureau, où elle répond aux questions de Monde.
Sa stratégie est d’occuper constamment le terrain politique et de contrer ses adversaires sur le plan juridique. Elle effectue des sit-in devant le siège de l’Union des oulémas musulmans, affiliation liée aux Frères musulmans. Le député demande que l’organisation soit classée comme « Terroriste » pour ses idées extrémistes et dénonce sa proximité avec Ennahda.
L’arrestation musclée, vendredi 31 décembre 2021, du député et vice-président du parti islamo-conservateur Noureddine Bhiri, interpellé dans le cadre d’une affaire liée à la « Terrorisme » selon le ministère de l’Intérieur, c’est du ache béni pour l’adversaire. Mardi 4 janvier, elle a appelé au démantèlement « La pieuvre des Frères musulmans » et a exigé que le chef d’Ennahda et président de l’ARP, Rached Ghannouchi, « Impliqué dans le terrorisme », est également placé en résidence surveillée.
Mégaphone et gilet pare-balles
C’est d’ailleurs à travers ses interventions mémorables au sein de l’ARP que la plupart des Tunisiens ont fait la connaissance d’Abir Moussi. Alors que l’hémicycle se réunissait encore, elle s’est obstruée en criant dans un mégaphone « Parce que nous ne [lui] pas laisser [son] temps de parole ». Elle est aussi arrivée plusieurs fois vêtue d’un gilet pare-balles et d’un casque, se disant » Menacé « . En effet, elle a été agressée physiquement à plusieurs reprises par des membres de la coalition ultraconservatrice Al-Karama, sans que le président de l’ARP ne prenne de sanctions.
Les détracteurs d’Abir Moussi estiment que ses méthodes, en bloquant les travaux du Parlement, ont contribué à la dégradation de l’picture des partis dans l’opinion publique. Et facilité, par ricochet, le coup de pressure de Kaïs Saïed. La députée se justifie en montrant de gros classeurs remplis de correspondances et de plaintes déposées au cours des deux années parlementaires, sans réaction de la justice ou de ses collègues députés. « Je me suis exprimé du mieux que j’ai pu », elle dit.
L’élu est incapable de « S’autocritiquer », déplore Amira Aleya Sghaier, historienne de la gauche tunisienne. Selon ce sympathisant du PDL, l’entêtement du député sur certains sujets est son talon d’Achille. « Même si la Tunisie n’a jamais produit un homme politique de cet acabit, elle ne peut continuer à nier le processus révolutionnaire à l’picture des véritables actes de torture qui ont eu lieu sous Bourguiba et Ben Ali. Elle pourrait même gagner en crédibilité en parlant franchement de ces questions », il croit.
D’autres accusent l’opposant d’une certaine » culte de la personnalité « , laissant rarement la parole aux autres membres de son parti. Connue pour diriger d’une principal de fer les députés de son groupe parlementaire, Abir Moussi se croit pour sa half ouverte aux autres forces » progressive « , qui vont de gauche au centre. elle la leur proposé de signer un doc politique, son projet « Révolution pour éclairer le peuple tunisien », à la situation expresse de ne pas soutenir l’islam politique. Mais son radicalisme fait peur à d’éventuels alliés.
Quoi qu’il en soit, le membre se tient sur sa ligne. Elle accuse désormais Kaïs Saïed et Ennahda d’entretenir des liens politiques et idéologiques, faisant fi de l’hostilité manifeste qui oppose le parti islamo-conservateur au président.
Offrir une different économique crédible
Si Abir Moussi draine encore, aux yeux de certains, les réminiscences d’un passé douloureux, assure-t-elle elle-même, soutenue par le projet de Structure, ne voulant offrir aux Tunisiens qu’un choix démocratique respectueux des droits et libertés. Aujourd’hui, elle revendique davantage Habib Bourguiba, au pouvoir de 1957 à 1987. Un héritage plus acceptable dans la mémoire collective que celui des années Ben Ali. Elle parvient également à s’attirer les faveurs d’un électorat féminin wise à son discours de défense. « Les réalisations de la femme tunisienne ».
Mais pour renforcer sa stature, son principal défi est de fournir une different économique crédible là où beaucoup ont échoué. Son parti travaille depuis quatre ans sur un programme qui promeut l’entrepreneuriat, les partenariats public-privé et la redistribution du territoire pour parvenir au développement de la Tunisie de l’intérieur, aujourd’hui marginalisée. Abir Moussi proceed de pointer du doigt la détérioration de tous les indicateurs économiques du pays et tente de glaner le soutien des partenaires sociaux, notamment la puissante centrale syndicale Union générale tunisienne du travail.
Surtout, il devra répondre à un dilemme : sa marque de fabrique « un contre tous » est un gage de crédibilité pour sa base électorale, mais l’empêche de faire du PDL un grand parti. Une étape incontournable s’il aspire à accéder aux plus hautes fonctions.