C’est un verdict historique que le tribunal de Coblence vient de prononcer jeudi. Les criminels du régime de Bachar Al-Assad risquent désormais la prison.
Pierre Avril, correspondant à Berlin
Arrivé sur le territoire allemand en 2014, en simple réfugié anonyme fuyant la guerre, Anwar Raslan pensait pouvoir tirer un trait sur son passé de colonel dans les services de renseignement syriens. Jeudi 13 janvier, l’homme de 58 ans, ancien pilier du système de répression du régime de Bachar El Assad, a été condamné à la réclusion à perpétuité pour crimes contre l’humanité par un tribunal de Coblence. Dans cette affaire, la justice allemande a remplacé la Cour pénale internationale, échappant à un probable veto de la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU, allié de Damas.
« Pour la première fois, un membre de haut rang du régime syrien a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité », a accueilli Patrick Kroker, avocat du Centre européen des droits de l’homme et constitutionnels (ECCHR), qui a assisté 14 parties civiles. C’est un verdict « Historique » a déclaré Kennet Roth, directeur exécutif de Human Right Watch.
Anwar Raslan était accusé de complicité dans l’homicide de 27 personnes, d’actes de torture et de violences sexuelles infligés à près de 4 000 personnes incarcérées, entre avril 2011 et septembre 2012, dans un centre de détention de la capitale syrienne : la sinistre section d’Al-Khatib. « En plus des coups de poing, des bâtons, des tuyaux, des câbles et des fouets, des décharges électriques ont été administrées », a détaillé l’acte d’accusation, ajoutant : « Les prisonniers ont été suspendus au plafond par les poignets de sorte que leurs orteils touchent le sol et ont à nouveau été frappés dans cette position. »
D’autres épreuves à venir
L’un des sbires de l’officier syrien, Eyad al-Gharib, 43 ans, également fonctionnaire de la Direction générale du renseignement, avait déjà été condamné en février 2021 par le même tribunal de Coblence, dans l’ouest du pays, à une peine quatre ans et demi de prison. Depuis sa cellule, ce dernier avait rédigé une lettre de contrition destinée aux victimes. Les deux fugitifs étaient arrivés séparément en Allemagne où ils avaient été arrêtés en 2019 à la suite de précédentes plaintes déposées par sept victimes syriennes également réfugiées outre-Rhin. Ensuite, leurs deux procès ont été séparés.
Ceux-ci ne se sont pas déroulés sans heurts. Par crainte de représailles contre leurs proches restés en Syrie, les témoins n’ont pu répéter lors de l’audience publique le contenu de certaines dépositions recueillies précédemment au dossier. Mais par sa sévérité, le verdict pourrait inspirer d’autres tribunaux en Europe visant à rendre justice pour les crimes perpétrés en Syrie. « Cela montre que la justice ne doit pas rester un rêve et que nous avons un long chemin à parcourir – mais pour nous c’est un premier pas vers la liberté, la dignité et la justice », a déclaré Ruham Hawash, un survivant de la section d’Al-Khatib.
Une autre plainte de réfugiés syriens en Allemagne vise Jamil Hassan, un proche du président Assad et ancien chef du renseignement de l’armée de l’air qui fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt international de la part de l’Allemagne et du Royaume-Uni. La France.
Par ailleurs, le 19 janvier, à Francfort, débutera le procès d’un ancien médecin syrien d’une prison militaire de Homs, accusé de torture. En France, à la suite d’une plainte de victimes réfugiées en France, un juge d’instruction a délivré en novembre 2018 des mandats d’arrêt contre trois hauts responsables du régime Assad.
Des plaintes ont également été déposées en Autriche, en Norvège et en Suède, qui a été en 2017 le premier pays à condamner un ancien soldat du régime pour crime de guerre.