LLe 10 janvier, le président du Conseil européen, Charles Michel, a appelé le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokayev, pour exprimer son inquiétude quant à sa stratégie policière : après plusieurs jours d’émeutes et un bilan officiel de 164 morts, le dirigeant kazakh venait d’annoncer que les forces de sécurité avaient ordre de tirer à vue sur les manifestants. M. Tokayev, qui attribue ces troubles à la présence de « 20 000 terroristes » et a procédé depuis à 9 900 arrestations, ne semble pas avoir été ébranlé par l’intervention du représentant des Vingt-Sept, si l’on en juge par ses démentis sur Twitter.
Il l’était sans doute d’autant moins qu’au même moment, l’un de ces Vingt-Sept l’appelait également au téléphone, avec un tout autre message : Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, voulait lui témoigner sa solidarité. . Sur Facebook, le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto a déploré cette tentative de « Renversement de l’ordre constitutionnel », épousant la thèse officielle kazakhe.
Ce n’est que le dernier exemple en date d’une diplomatie magyare constamment en rupture avec celle de l’Union européenne (UE), dont la Hongrie est pourtant membre à part entière.
L’exemple le plus frappant de cette dissonance concerne la relation avec la Russie, mais il est loin d’être le seul. Au pouvoir depuis 2010, Viktor Orban ne s’est pas seulement imposé comme un héraut de la démocratie illibérale, en conflit ouvert avec la Commission sur les questions d’Etat de droit. Il fit de Budapest le centre de la contre-diplomatie au cœur de l’Europe.
Un campus chinois
À l’hiver 2020-2021, lorsque la Chine et la Russie sont entrées dans une rivalité sur la « diplomatie des vaccins » face aux Européens désespérés par la pénurie, c’est Budapest qui a ouvert grand les bras à Spoutnik et Sinopharm. Son activisme dans ce domaine et sur les achats de gaz russe a valu à M. Szijjarto l’Ordre de l’amitié, le 30 décembre 2021, par son collègue russe Sergueï Lavrov, à Moscou. Le ministre hongrois a salué 2021 comme « La meilleure année de tous les temps » pour les relations de son pays avec Moscou ; il entend faire encore mieux en 2022. Le Premier ministre Orban le fera en se rendant à son tour à Moscou début février, sur fond de tensions russo-occidentales autour de l’Ukraine.
M. Orban ne met pas tous ses œufs dans le même panier : il est au mieux avec le président chinois Xi Jinping. Comme d’autres pays d’Europe centrale, la Hongrie fait partie du groupe « 16 + 1 » créé par la Chine, dont la Lituanie s’est retirée. Mais Viktor Orban va plus loin ; après avoir repoussé l’université créée par le philanthrope américain d’origine hongroise George Soros, qu’il déteste, il a invité la grande université Fudan de Shanghai à ouvrir un immense campus à Budapest. Ce sera le premier campus chinois dans l’UE.
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